Delatte, un exemple typique de l’arrière pays à Petit-goâve

Société/Section communale/Petit-goâve

Delatte,  une localité faisant  partie de la septième (7ème) section communale de Petit-goâve évolue dans une situation extrêmement précaire : manque d’infrastructures éducatives, sanitaires, économiques… Pourtant, à chaque période électorale, nombreux sont les candidats, que ce soit à la présidence, au sénat, à la députation, qui en font des visites  pour exposer leurs projets, faire des promesses, distribuer de l’argent et autres choses du genre, dans le but de  gagner un bulletin de la part des habitants. Mais dès qu’ils sont élus, ils sont rares ceux qui prennent en considération les révendications des gens qui y vivent.

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Le collège Excelsior à Delatte, sous un abri délabré. ©Photo: Nixon Saturné

En effet, c’est au  cours de la période électorale que l’on voit étonnamment circuler de nombreuses images de cette localité sur les réseaux sociaux. Si certains candidats se contentent de faire l’éloge de l’accueil qu’ils ont reçu des paysans de ladite localité, d’autres cantonnent leur popularité au sein de cette section communale.  Mais ce qui est certain, c’est que Delatte reste et demeure aujourd’hui un échantillon typique de l’ « arrière pays ».  « S’il n’y avait pas les élections, Delatte serait passée totalement inaperçue aux yeux des personnalités politiques de la ville de Petit-Goâve », martelle un responsable d’une institution scolaire d’une sous-localité de la zone dénomée Lissade. Bon gré mal gré, les habitants de cette section communale ne font qu’attendre la concrétisation des belles promesses des hommes politiques et de certaines organisations internationnales.

Pour se rendre à Delatte, on peut aller à motocyclette, en voiture, ou à pied. La zone offre un paysage époustouflant  et une fraicheur vraiement exubérante. L’agriculture et le commerce constituent les principales  activités economiques de cette population rurale. C’est une  localité qui est dotée d’un potentiel extraordinaire en matière de ressources naturelles. Néanmoins,  il n’y a jusqu’à présent aucunes données officielles sur la population de Delatte. Chaque début de novembre, des pelerins, originaires de la zone et étrangers   se rendent à Delatte pour célébrer la fête patronale (Saint-Martin) avec les habitants. Ils en profitent pour déguster les fruits et consommer les produits de la localité, baigner dans les rivières aux eaux cristalines, participer aux  jeux traditionnels et populaires des paysans. Cependant, ce riche milieu campagnard  est confronté à des difficultés énormes.

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L'ecole presbyterale, Collège Saint-Martin, fraichement reconstruite par une ONG. ©Photo: Nixon Saturné

Dans le domaine de l’éducation, on peut dénombrer environ une quinzaine d’écoles au sein de cette communauté. Parmi ces établissements, il n’y a que l’école presbytérale, le collège Saint-Martin qui comporte une section secondaire au complet, on vient d’inaugurer  récemment  un nouveau bâtiment pour  cette école qui a été détruite par le seisme du douze (12)  Janvier 2010. Mais, il faut dire que la majorité des écoles de la zone fonctionnent dans des conditions  vraiement critiques. De plus, il n’existe pas encore une  école professionnelle là-bas . De ce fait, nombreux sont les jeunes qui rentrent au centre-ville de Petit-Goâve ou à la capitale chaque année pour poursuivre leur étude segondaire, universitaire ou professionnelle. Il n’y a pas également une mini-bibliothèque dans la localité voire un centre culturel. « J’attends impatiemment la terminale pour que je puisse descendre en ville », nous a déclaré Remy ZAMY, élève en classe de seconde du collège  St-Martin.

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Des enfants font la queu à la fontaine de Delatte pour rapporter l'eau à la maison. ©Photo: Nixon Saturné

Les paysans ne reçoivent aucun accompagnement dans leurs activités agricoles, ils n’ont que le « BonDieu »  qui peut sauver les plantations et les récoltes. Pourtant, à entendre parler quelques notables de Delatte, à une certaine époque, cette section communale avait joué un rôle important dans l’alimentation de la ville de Petit-goâve et d’autres régions avoisinantes en produits agricoles notamment dans la production des milliers de barils de café. « Nous vivons de la terre, nous devons donc la travailer, mais depuis quelque temps, elle nous offre peu », nous fait croire un ancien membre du Conseil d’Administration de la Section Communale (CASEC) de la zone. Dans les périodes de secheresse, les habitants sont obligés de parcourrir des Kilomètres (km) à la recherche de l’eau, et ceci, d’une eau non potable. Les paysans sont parfois victimes de contaminations et d’infections. On peut prendre l’exemple de l’épidémie du cholera en 2012 qui avait causé plus de sept (7) morts dans la localité par manque d’infrastructures sanitaires. Il existe certes un dispensaire à Delatte,  mais celui-ci ne peut pas répondre véritablement aux besoins de santé des paysans. On y trouve un medecin chaque fin de mois. Par contre, trois infirmières sont disponibles pour consulter et  soigner les patients. En passant, une infirmière nous a revelé que les cas de grossesse précoce sont très courants dans la communauté.

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Le marché de Delatte longé au bord du chemin. ©Photo: Nixon Saturné

C’est par la vente des denrées recoltées que les habitants doivent subvenir à certains besoins de leurs familles. Il y a des jours bien spécifique pour le marché, comme d’habitude, les paysans exposent leurs produits au bord du chemin. Il n’existe donc aucun marché public construit à Delatte. « Quand il pleut, je ne peux pas me rendre au marché », se plaigne Marie-Antoinette JEAN, une commercante.

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En ce qui concerne la justice et la securité dans la zone, n’en parlons même pas.  « Il n’y a que le BonDieu qui veille sur nous », nous témoigne un candidat pour l’Administration de la section Communale (ASEC).  Habituellement, Il y a le bureau du Conseil d’Administration de la Section Communale qui reçoit des plaintes, il fonctionne seulement pendant deux jours (Mardi et Jeudi).

Parmi les douze (12) sections communale  de Petit-Goâve, on pourrait se demander combien d’entre elles qui connaissent une realité différente de celle de Delatte.

Reportage: Nixon SATURNE,
Étudiant en Communication et en Anthropo-sociologie
nixon.saturne@hotmail.com
+5093 797-67-68

Lamy Obed
Étudiant en Communication Sociale et en Gestion des Affaire (UEH).
Email: lamyobed@gmail.com
Tél: (+509) 3714-4337

Un jour noir à Petit-goâve

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Barricades, black-out, gaz lacrymogène, jets de pierres, pneus enflammés, tirs… C’est sous ce décor de tension que Petit-goâve débute le nouvel an. La population qui n’a pas revu l’électricité dépuis ce 2 janvier à 2h53mns am entre dans une colère bleue et se tient donc sur le sentier de la guerre. Pour les uns comme pour les autres, c’est la galère. Les temps forts de ce lundi 5 janvier 2015, marqué par de vives agitations.

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Très tôt dans la matinée, la ville est réveillée dans un branle-bas. D’un quartier à l’autre, on conspire. « Si on ne retablit pas l’électricité, on va bloquer la route ». La formule se propage. Solidarité dans le mal? Un mal nécessaire?

10h00 am
La route nationale #2, la seule voie terrestre qui relie les departements des Nippes, du Sud, de la Grand’Anse à la capitale du pays est déjà encombrée. Les chauffeurs qui traversent du nord au sud, du sud au nord cherchent à se degager à travers des artères, mais s’engluent dans le labyrinthe de la ville. C’est l’opération « mò rèd »! Les rues, les avenues, les routes, les chemins,  les ruelles, les impasses, les corridors sont tous obstrués. Devant les amas de pierres, les tessons de bouteilles, les pneus en flamme… les deux roues, quatres roues, 6 ou 12 roues n’y peuvent rien.

« Nou pa tande tigwav bloke, nou paka pa vwayaje », lance cette dame qui semble se sortir bien de cette situation. Tandis que dans les bus, les passagers sont en detresse. Ils le savent plutôt bien « moun tigwav pa jwe ». Et, dans un minibus coincé à l’avenue Lahatte, il y a aussi cette femme en douleur qui s’apprête à accoucher, elle doit se rendre à grand-goâve. « Aidez-nous à faire passer la voiture », implore sa mère à son chevet.

5h30 pm
Les agents de l’UDMO (Unité Départementale de Maintien d’Ordre) fraichement débarqués sur le terrain, pour tenter de rétablir l’ordre lancent des grenades de lacrymogène partout et contre tout. Et là, à l’avenue Lafond, deux bus voyageant des Cayes à Port-au-Prince qui se frayent un chemin, se perdent dans la fumée grise du gaz en propagation. Plus d’une soixantaine de passagers à bord de chaque bus tout gazés, angoissés, crient au secours. C’est aux résidents du quartier de leur venir en aide.

6h00 pm
L’hôpital Notre-Dame, le plus grand centre hospitalier de la ville, est plongée dans une obscurité monstre. « Gade yon Tigwav, katouch ap tire, pa gen doktè », crache cet homme, à peine arrivé avec sa femme enceinte de 2 mois. À la maternité, une infirmière, une seule, assiste une patiente sur le point d’accoucher dans la salle d’accouchement éclairée à la lumière d’un flash. Et un peu plus loin, il y a cette mère qui illumine son bébé, fraichement né, à la lueur de son telephone.  » Bon  menm yon dèlko yo paka pase anba fènwa sa! », déplore une dame de la soixantaine, quand plus tard, jusqu’à 6h56 pm, on allume enfin la géneratrice.

7h 53 pm
Route nationale # 2. Carrefour Béatrice et avenue Bouard. Pneus enflammés. Une cohorte de jeunes hommes se tiennent en embuscade contrôle de près le feu pétillant.  » Personne ne nous a rien dit concernant l’électricité ». À l’offensive, ils lancent des pierres contre toutevéhicule qui ose approcher. À la défensive, le visage cagoulé, ils se mettent aux aguets contre une éventuelle invasion des agents de l’UDMO.  À éteindre le feu, ils imposent leur condition: « fòk yo ba nou kouran an ak orè kouran an ».

8h00 pm
Avenue Gaston. Une troupe de personnes fourmillent. Au milieu, un jeune homme, une victime, attire la pitié ou la curiosité. Surpris en flagrance entrain de bloquer la route nationale, il est lâchement bastonné par les hommes forts de l’UDMO. Massage, bandage, compresse, on lui improvise une thérapie, le temps de lui faire la morale.

8h40 pm
Route nationale # 2. Marché Seradotte. Un tir, deux tirs, trois tirs… Les sbires de l’UDMO frappent encore, sans ménagement aucun, sous prétexte de rétablir l’ordre, dans une zone où la population se couche déjà au crépuscule, au fond d’un obscurité épaisse. En quelques minutes, l’odeur caustique du gaz lacrimogène chasse les habitants de leur chez-soi. C’est aussi le triste sort de cette mère qui hurle derrière une moto, transportant à vive allure son enfant en bas âge gazé, en syncope à l’hopital.

9h38 pm
Weh!!! On a rétabli l’électricité. Les maisons sont enfin eclairées, mais les rues sont suspectes et la population est réticente.  » Il nous faut maintenant l’horaire de l’électricité ». De près comme de loin, des tirs se font entendre. Sous cette atmosphère, Petit-goâve d’un oeil sommeille, d’un oeil surveille.

Photo: Mustapha Falestin

Obed Lamy
Étudiant en Communication Sociale et en Gestion des Affaires
lamyobed@gmail.com
Tel:509-37144337